Texte lu par Marie-Hélène Soyer
Les grandes églises de pèlerinage devaient accueillir les pèlerins dans un lieu bien éclairé pour faciliter leur déambulation d’adoration des reliques conservées dans ces sanctuaires.
Avant même que ne s’ouvre l’époque gothique, la Lumière devient de plus en plus recherchée dans l’architecture au cours du XIIème siècle, comme à Saint Sernin de Toulouse, Saint Jacques de Compostelle, ou encore l’abbaye de Conques. Ces sanctuaires de grands rendez-vous des « romieux » deviennent des espaces de lumière.
En même temps, la pensée du XIème siècle évolue : la perception des réalités terrestres prends davantage en compte l’individu. L’abstraction difficile et exigeante de l’ombre des chapelles romanes fait place à une recherche du lumineux.
Dans ce contexte culturel, la rigueur cistercienne prônée par Bernard de Clairvaux n’était pas acceptée par tous les religieux.
Le débat sur la conception des églises s’établira entre Bernard et le nouvel abbé de Saint Denis, son ami SUGER. Ces deux hommes étaient parmi les plus importants de ce XIIème siècle. Le premier joua un rôle de guide spirituel auprès du Pape et des Rois. Le second, habile gestionnaire, avait toute la confiance de Louis VI, auprès duquel il joue un rôle proche de celui, aujourd’hui, d’un Premier ministre.
Bernard et SUGER avaient en commun d’être très religieux. Ils s’imposaient une vie personnelle très austère, mais, ils s’opposaient radicalement en matière d’architecture.
Alors que Bernard prônait le plus grand dépouillement, Suger avait le souci de magnifier la gloire de Dieu :
« Pour moi, je le déclare, ce qui m’a paru juste avant tout, c’est que tout ce qu’il y a de plus précieux doit servir d’abord à la célébration de la sainte Eucharistie »
La passion pour l’art chrétien de la part d’un homme voué à l’humilité et à la pauvreté bénédictines était profonde chez lui. Une inscription sur les portails de Saint Denis donne la clé de sa philosophie concernant le Beau :
« Notre pauvre esprit est si faible, que ce n’est qu’à travers les réalités sensibles qu’il s’élève jusqu’au vrai »
Il eut l’intuition géniale des possibilités architecturales de la voute sur croisées d’ogives dont les premières avaient été réalisées à Morienval. Depuis quelques années, les maîtres d’œuvre romans avaient peu à peu mis au point des systèmes de voûtes avec une ossature faite de deux arcs de pierre en diagonale sur le carré qu’il fallait couvrir.
La structure gothique, avec son squelette de pierres, les croisées d’ogives, va libérer les murs de leur fonction porteuse, laisser la place à des verrières et ainsi s’ouvrir à la lumière. C’est ainsi qu’il fait agrandir la basilique de Saint-Denis en faisant entrer la lumière par un grand nombre de vitraux qui illuminent le chœur et la nef de l’église.
Il faut que le nouveau bâtiment soit le reflet d’une idée moins matérielle et plus durable :
Saint-Denis, abbaye et nécropole royale officieuse depuis les Mérovingiens, doit le devenir officiellement. Suger reconstruit alors le chœur de l’abbatiale dans ce style nouveau, que l’on appellera plus tard « gothique » : une voûte de grande hauteur, des structures légères ajourées de somptueux vitraux.
Cette « architecture de lumière » éblouit les fidèles et les élève vers Dieu.
Ce sanctuaire va offrir une représentation de la Jérusalem Céleste.
C’est l’image d’une magnifique cité :
– à l’extérieur, par ses pinacles, comme les nombreuses tours d’une ville formidable, symboliquement invincible.
– à l’intérieur, un espace défini par des vitraux aux mille couleurs.
Une Jérusalem Céleste qui s’inspire de la description donnée par Saint Jean dans l’Apocalypse (21, 18-22) :
«… La ville sainte, Jérusalem qui descend du ciel, envoyée par Dieu.
La gloire de Dieu l’éclaire de sa lumière…
… Les murs de la ville sont posés sur 12 pierres de fondation, et sur ces pierres, il y a les noms des 12 apôtres de l’Agneau.
… Le rempart est construit en jaspe et la ville est de l’or pur, comme du cristal bien pur.
… Les assises de son rempart sont rehaussées de pierreries de toutes sortes :
Douze pierres précieuses sont nommées par Saint Jean :
« …jaspe, saphir, calcédoine, émeraude, sardoine, cornaline, chrysolite, béryl, topaze, chrysoprase, hyacinthe et, la douzième, ’améthyste. »
Ces douze pierres, reprennent celles du plastron que le Grand Prêtre, dans l’Ancien Testament, devait revêtir avant d’entrer dans le Saint des Saints.
Ces pierres rappelaient les douze tribus d’Israël, sacralisées par la Promesse de la Première Alliance.
Maintenant, dans la Nouvelle Alliance, l’Église accueille l’assemblée des Chrétiens, les pierres vivantes du Temple. Cette église, parée de pierreries, devient le symbole de la Jérusalem Céleste…
Sur les vitraux, figurent des scènes de la Bible ou de la vie des saints.
Il n’est pas du tout sûr que ces images aient pu constituer un grand livre de catéchèse, car elles sont très difficiles à déchiffrer ; c’est trop loin ; sauf exception pour les plus basses parfois.
Ces image bibliques avaient une autre finalité :
- En passant à travers ces scènes bibliques, la lumière « profane » devenait « lumière sacrée ».
- La lumière qui baigne la Jérusalem céleste, c’est la Lumière divine.
Pour ceux qui, parmi nous, ne sont pas dans une démarche de Foi, nous espérons vous avoir aidé à comprendre la profondeur des motivations des constructeurs de nos églises.
Pour ceux qui sont en marche dans la Foi : vous pouvez expérimenter cette dynamique fructueuse entre Foi et Symboles :
- Notre Foi nous aide à lire les Symboles,
- La force révélatrice de ces Symboles nous affermit dans la Foi
MERCI