SYMBOLIQUE DU PLAN BASILICAL
Texte lu par Sébastien Kaiser
Les décideurs de la construction de nos chapelles et de nos églises étaient imprégnés d’une culture médiévale différente de la nôtre.
L’Abbé du monastère ou l’Évêque de la cathédrale, exprimaient leurs souhaits auprès du Maître d’œuvre choisi pour la construction.
Leur « commande » comportait des attentes fonctionnelles :
– les dimensions, en fonction du nombre de moines, de chanoines ou de fidèles
– les dispositions pratiques liées aux liturgies…
Mais ils demandaient que l’architecture exprime une signification symbolique liée à la mission spirituelle de l’évêque, finalité mystique de la « maison de Dieu » pour l’accueil et la prière des fidèles.
Nos cathédrales sont pétries de symboles, pour dire ces réalités éternelles promises
aux fidèles dans l’au-delà.
Pour les hommes du Moyen Âge, le monde visible était symbole du monde invisible.
L’univers créé est le symbole des réalités spirituelles.
La contemplation du monde mène à la connaissance de Dieu.
L’ordre et l’harmonie de cet univers étaient image de beauté, dans laquelle l’homme saisit la présence du Créateur.
Rappelez-vous la Genèse :
« Quand Dieu créa le monde, il le regarda
et l’ayant regardé il le jugea parfait.
L’œuvre des six jours était belle :
le ciel et la terre et tout ce qui l’ornait »
La vie après la mort, le salut éternel, ultime but du passage sur terre, devait être obtenu pour ne pas subir les supplices de l’Enfer.
C’est donc dans ce contexte différent du notre, culturellement et socialement, que se sont réalisées nos églises médiévales. Et on en construisit un grand nombre.
Après la grande peur de l’An Mille, l’occident se couvrit d’églises.
En deux siècles, du XIème au XIIIème, dans notre région du Bas Languedoc, on a recensé la construction d’environs 5000 lieux de culte : monastères, prieurés, chapelles, églises, cathédrales… Soit une consécration tous les quinze jours !!!
On appelle communément ces édifices « les Maisons de Dieu ».
Nos églises sont le lieu du rassemblement de la communauté des Chrétiens, c’est le sens même de « ECCLESIA », en grec, qui a donné ÉGLISE. Le lieu où les fidèles sont invités à rencontrer et à demeurer ensembles avec Dieu.
Écoutons ce que nous dit Guillaume Durand.
Né à PUIMISSON en 1230, il fut chanoine de la cathédrale de Maguelone, puis enseignant de droit civil et canonique à Paris et en Italie et finit Évêque de Mende de 1285 à sa mort en 1296.
Voici ce qu’il écrit en 1284, au début de son ouvrage le RATIONAL, pour exposer la double signification d’une « Église » :
« … Il faut remarquer, touchant les Églises, que l’une est corporelle, c’est à savoir celle dans laquelle on célèbre les Divins Offices ; l’autre est spirituelle, et c’est l’assemblée des fidèles ou le peuple convoqué parles ministres du Christ, et rassemblé dans un même lieu par celui qui fait habiter dans sa maison tous ceux qui professent le même culte et les mêmes sentiments.
Et, de même que l’église corporelle ou matérielle et construite de pierres jointes ensemble ; ainsi, l’église spirituelle forme un tout composé d’un grand nombre d’hommes différents d’âge et de rang »
Il fallait donc que le bâtiment « église » témoigne du Christ, au moyen du langage symbolique de son architecture.
Avant d’évoquer les spécificités romanes puis gothiques, nous devons comprendre comment le plan de la plupart de nos églises médiévales, le plan basilical, est un symbole profond du mystère de la double nature du Christ, humaine et divine.
Dans l’antiquité, « la Basilique » était un lieu de réunion, d’assemblée, sur l’agora, plus tard sur le forum, pour traiter des affaires de la ville, parfois pour rendre la justice.
Après son accès à l’« imperium » en 311, Constantin décida de la construction de la première église monumentale à Rome. Ce fut la première Basilique Chrétienne : Saint Jean de Latran.
Elle sera la résidence du Pape pendant plusieurs siècles avant d’être établie au Vatican. Cette basilique va devenir le modèle des églises en occident :
un rectangle, la nef, accolé à un demi-cercle, le chœur.
Le carré représente la TERRE, l’espace de vie des hommes.
Il est tracé par les quatre directions : devant, derrière, à droite, à gauche.
Le carré « orienté » se positionne par rapport à la course du soleil (levant, midi, couchant, nuit), c’est le temps qui passe, le temps de l’histoire des hommes
Le cercle est le symbole du CIEL
Depuis très longtemps, le cercle, figure circulaire de la voûte céleste, est devenu symbole du domaine Divin.
De dimension infinie, inaccessible, il est au-delà de l’espace. De plus, parcourez le cercle, il n’a ni début ni fin : il est hors du temps.
Hors de l’espace, hors du temps.
La juxtaposition de la terre et du ciel en un seul lieu, c’est la représentation symbolique du mystère de l’Incarnation : Jésus, une seule personne unifiant la nature humaine et la nature divine.
La nef avec son axe horizontal figure le chemin du Chrétien sur terre vers son Salut. Le pèlerinage terrestre vers le salut.
Le chœur offre son axe vertical jusqu’à la clé de voûte en « cul de four ». C’est l’axe
– ascendant de la prière des hommes vers le ciel.
– descendant du regard miséricordieux du Seigneur vers l’homme
A la jonction de l’espace-temps des hommes avec le hors du temps et de l’espace du ciel, les deux axes, de la nef et du chœur se rencontrent sur l’autel, le lieu de l’Eucharistie.
Nous avons une confirmation éclairante de ces lectures symboliques par le chapiteau au-dessus de la chaire. Il représente les Mages venus adorer Jésus à Bethléem. À l’époque Romane, il était placé à la jonction de la nef-terre avec le chœur-ciel.
La lecture symbolique est lumineuse : c’est l’INCARNATION qui assure la promesse du lien de l’humanité avec la vie en Dieu dans l’au-delà.
MERCI