OMBRE ET LUMIÈRE POUR SAINT BERNARD

Texte lu par Sœur Françoise Wyckaert

Saint Bernard, un personnage emblématique du XIIème siècle.

Bernard est né en 1090, dans une famille de moyenne noblesse bourguignonne. À 10 ans la mort de sa mère le blesse profondément.

Après avoir connu une vie mondaine, il prend la décision, au printemps 1112, à 22 ans de rentrer à l’abbaye de Citeaux qui s’est détachée de l’Ordre de Cluny, pour vivre plus rigoureusement la règle de Saint Benoit.

Très vite, le jeune moine devient un élément essentiel de l’ordre. Il a seulement 25 ans quand le père abbé l’envoie fonder une nouvelle maison cistercienne, ce sera la célèbre abbaye de Clairvaux.

Sous son autorité, le rayonnement cistercien fut considérable. Pendant ses 38 ans d’abbatiat, Bernard contribue à la création de 68 abbayes-filles de Clairvaux, dont 35 pour la France, qui à leur tour vont essaimer.

Au milieu du XIIème siècle, Cîteaux compte, dans tout le monde chrétien, 343 établissements, soit plus que Cluny (environ 300). Prônant une doctrine du dépouillement artistique, il défend une application stricte de la Règle de saint Benoît. Il s’oppose en cela au modèle clunisien, à qui il reproche notamment d’avoir abandonné le travail manuel et le silence et, surtout, de mener grand train.

Tout à l’heure, l’importance de Saint Bernard dans le développement de l’architecture cistercienne nous a été rappelée. Les moines cisterciens sont arrivés à une exigence de pureté qui marque profondément l’architecture de leurs abbayes.

Ils avaient adopté ce précepte philosophique de l’Antiquité :

Il faut ouvrir les yeux de l’âme en fermant ceux du corps.

Pour mieux comprendre sa pensée sur l’ombre et la lumière, nous vous proposons d’entendre ce que nous en dit un cistercien contemporain, le frère JOÊL, moine de Citeaux. Ce texte nous aidera à pénétrer plus profondément dans les intentions architecturales des constructeurs romans cisterciens du XIIème siècle :

L’IMAGE DE L’OMBRE, SELON SAINT BERNARD

Elle est d’abord l’ombre de l’esprit qui couvre Marie à l’Incarnation.

Mais selon une interprétation originale de Saint Bernard, cette même ombre est aussi l’humanité de Jésus.

Elle comporte deux aspects :

  • elle est le lieu de la présence divine et personnelle du Verbe,
  • elle est protectrice car elle tamise l’éclat divin, impossible à supporter pour une simple créature, fut-elle toute pure comme Marie. 

L’ombre est donc le lieu de la présence de Dieu adaptée à nous…

Bernard dira que l’ombre c’est la Foi. Nous trouvons là une clé d’interprétation pour l’architecture cistercienne, comme art de l’Incarnation et non pas, comme il pourrait sembler au premier abord, dépouillement exprimant l’inaccessibilité de Dieu.

Tout au contraire, la présence du Dieu proche y est sans cesse suggérée, par le jeu de l’ombre et de la lumière qui correspond si bien à celui de la présence et de l’absence dans le dialogue d’Amour de l’Époux et de l’Épouse du Cantique.

Au Sermon 56 sur le Cantique (n° 1) Saint Bernard parle de l’Époux qui s’approche derrière le mur, et cette approche c’est l’Incarnation.

L’Épouse perçoit sa présence, il s’infiltre à travers les fissures du mur, les fenêtres et les grillages qui sont les sens charnels et les affections humaines au moyen des quelles il fait l’expérience de notre humanité.

Comment ne pas penser aux fenêtres, qui percent les murs des abbatiales cisterciennes?

(Frère JOËL, de CÎTEAUX)

Fin de citation

Son austérité de vie, son souci d’une architecture dépouillée pour ne pas distraire les moines, ce goût de la discrétion, cette rigoureuse révérence à l’ombre, exprimaient la force de sa quête de la lumière intérieure, lumière spirituelle de sa Foi.

Foi illuminative dans l’Incarnation, la Passion et la Résurrection du Christ

 MERCI