Frères ?

Editorial                    

 

Frères ?

Quand on parcourt la Bible, on est frappé par la multitude de récits racontant les aléas des relations entre parents et enfants, et surtout celles des frères et des sœurs. Histoires d’héritages, de promesses, de pouvoirs, de récompenses, de jalousie, chacune dessine un monde de manque, de jalousie, de peur ou de méfiance qui tissent nos existences humaines. La parabole du père et des deux fils n’y échappe pas. Un fils en attente de liberté qui est prêt à tout sacrifier pour affirmer son autonomie radicale. Un fils en attente de reconnaissance de sa réussite et de son obéissance. Comme en miroir, Jésus y fait résonner les conflits qui traversent nos communautés : sommes-nous bien capables de nous reconnaître tous frères dans une même foi ?

En proposant cette parabole, Jésus veut inviter ses auditeurs à changer de regard sur Dieu lui-même. Le père de la parabole n’enferme aucun de ses deux fils dans ce qu’il a fait ou non, réussi ou échoué. Il est le signe vivant de leur filiation unique, et manifeste qu’elle vient de lui et qu’elle demeure inaltérable. À l’un comme à l’autre, il offre sa miséricorde pour les relever de leurs infirmités et de leurs impasses. Tout au long du Carême, Dieu ne cesse de faire ainsi. Il ne regarde pas si nous sommes des prodigues, des catéchumènes ou des chrétiens aînés dans la foi. Il ouvre sans cesse un chemin pour que nous revenions à lui de tout notre cœur. Sa joie est la communion parfaite qu’il désire entre lui et nous.

Le triduum pascal portera cette communion jusqu’à son incandescence. Du partage du pain et de la coupe au relèvement d’entre les morts, en passant par la croix, elle apparaît comme la raison d’être du Christ. En quelque sorte, Jésus se dévoile comme le troisième fils de la parabole, celui qui va chercher le fils pour le ramener au Père, celui qui donne tout ce qu’il a pour partager la joie de son Père. Il peut convaincre tous les fils perdus de revenir vers ce Père riche en miséricorde, tous les fils aînés de se réjouir du retour des pécheurs et non de les mépriser.

Paul en a fait lui-même l’expérience. De fils aîné, il est devenu prodigue et a pu goûter la joie de la réconciliation. En demandant aux chrétiens d’une communauté divisée de devenir les uns pour les autres serviteurs de la réconciliation, il rappelle que le pardon est l’expérience la plus intense de la vie de foi. Que ce soit en le vivant sacramentellement pour soi ou pour celui qui nous a blessés, le don au-delà du don demeure la grâce pascale par excellence. N’ayons pas peur de le vivre, car, comme le chante le psalmiste : « Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage ».

Père Olivier Praud

(Magnificat – Dimanche 30 mars 2025 – Parole de Dieu pour un dimanche)